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L'espoir retrouvé, et réprimant mal une exclamation de joie, je contemplai ce bateau qui montait vers moi. Lorsqu'il fut à bonne distance, j'agitai le bras pour signaler ma présence. La trajectoire de la barque s'infléchit, lui permettant de s'approcher au plus près du quai qu'elle longea d'une allure ralentie sans vraiment s'arrêter. Je sautai à bord et l'homme debout à la poupe, en deux ou trois pesées sur sa gaffe, replaça le bachot dans le fil de l'eau et lui redonna sa vitesse initiale.

On me fit une place afin que je m'assisse, mais les conversations ne s'étaient pas interrompues et l'on ne me prêta aucune autre attention particulière, comme s'il n'y avait rien d'extraordinaire à tout cela, que tout était dans l'ordre des choses. Je gardai le silence et observai ces gens qui m'entouraient. Jeunes pour la plupart, – je veux dire : plus jeunes que moi –, ils signifiaient par leur façon d'être, de se vêtir, de parler qu'ils étaient de ceux qui sont en phase avec la modernité du moment, « branchés » donc, pour user d'une épithète dont je ne suis pas certain qu'elle ait encore cours de nos jours.

Nous avancions ainsi, la paroi de la voûte se dévoilant sur notre passage. Une banquette étroite côtoyait le canal sur sa droite. Il m'arrivait d'y distinguer de temps à autre un rat dont les minuscules yeux noirs brillaient un court instant, reflétant la lumière de la torche, et qui, nullement effarouché, retournait tranquillement à ses occupations naturelles en poussant de petits couinements.

Des incandescences enflammaient maintenant l'eau du canal et des « boomers » faisaient entendre leur halètement rythmique. Nous approchions du terme de notre navigation et seulement alors commença à se faire jour dans mon esprit les raisons d'être de toute cette agitation nocturne. Vous qui me lisez et qui vous êtes fait sans doute une opinion sur cette question depuis un certain temps déjà, devez me trouver bien peu perspicace !

Le canal faisait un coude, changeant brusquement de direction avant de s'enfonçer à nouveau dans l'obscurité. Il y avait, dans l'anse ainsi dessinée, comme une plage où notre embarcation vint s'échouer.