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Nous étions à la mi-avril. Enfin vaincues les hésitations des premiers jours et oubliés les balbutiements qui s'ensuivirent, un printemps quasi estival s'était résolument installé sur Paris. Les tenues vestimentaires s'étaient allégées au-delà du raisonnable et les corps, s'offrant au soleil et au regard, semblaient sortir d'une longue léthargie.

J'avais, pour ma part, renoué avec mes habitudes saisonnières et, chaque après-midi, mes pas me conduisaient à la terrasse de « la Rotonde ». De ce lieu stratégique, affalé sur un siège de rotin et du vague dans l'œil, sirotant un café qui lentement se refroidissait dans sa tasse, je m'efforçais à trouver l'inspiration dans la contemplation distraite du flot continu et bidirectionnel des passants sur le trottoir du Montparnasse. Si mon roman n'avançait guère, le manuscrit du moins goûtait-il le changement d'air.

Or, ce jour-là, un mercredi si mes souvenirs sont exacts, et tandis que je reposais ma tasse définitivement vide sur sa soucoupe, je fus tiré de ma rêverie par un je-ne-sais-quoi d'insolite que mes sens, encore tout engourdis, ne surent identifier sur le champ, et dont la fugacité ne leur laissa pas le loisir de l'apprécier davantage.

Cet événement, je l'ignorais alors, et pour insignifiant qu'il parût, marquait le début d'une aventure des plus étranges qui allait rompre la monotonie de mes jours.