1. La Défense.

Çà, si tu n'y as pas été depuis soixante-cinq, tu vas trouver du changement ! De quoi tu te souviens ? Oui, bah le CNIT il est toujours là, mais tu ne le reconnaîtras pas. Pourquoi ? Mais parce qu'il a été entièrement restructuré à l'intérieur ! Ben tu verras. Quant à la tour Esso, elle n'existe plus, elle a été démolie. Non, pour l'instant c'est un trou, un trou bétonné. Mais c'est provisoire, il y a un projet. Tu parles, au prix du mètre carré ! Oh non, globalement ça ne fait plus du tout chantier. Mis à part ce trou et puis une église qui va se construire pas très loin, oui oui, une église, ça donne même l'impression d'être tout à fait fini. Enfin tu jugeras toi-même. Tiens, appuie sur le bitoniau pour verrouiller la portière. Merci.

Où on est ? A Puteaux. L'hôtel de ville de Puteaux. Un peu prétentiard, tu as raison. Autour, ça ressemble à toutes les communes de proche banlieue. C'est plus Paris, et c'est encore Paris. Les immeubles sont en brique le plus souvent, quatre, cinq, six étages, et les toits par-dessus, en tuile rouge. Et au fond, les tours de La Défense. Comment ? Non, c'est pas loin. D'ailleurs tu vas voir, la transition est rapide. Un peu comme en Égypte : tu es dans un paradis de verdure, la noria grince, l'eau coule en abondance, et puis tu fais quelques dizaines de mètres et c'est le désert. Seulement là, mon gars, ce ne sera pas le désert !

On a de la chance, il fait beau. Il fait pas chaud, mais il fait beau. La lumière est superbe. Pour les photos, tu es gâté ! Quand le ciel est gris, ces tours qui dominent, derrière, ça a un petit air inquiétant. Comme une menace. Oui, je t'attends, mais garde de la pellicule pour après !

*

Voilà, on y est. La frontière en quelque sorte. Ce gros cube, posé là en sentinelle ? Le central téléphonique. Regarde la façade. On dirait un rayon de miel créé par des abeilles mutantes qui auraient décidé de remplacer l'hexagone par le carré. Et ça, c'est Défense 2000, plus de quarante étages de logements. Le grand vertige !

Viens, on va monter par ici. Quand on y va par le RER, c'est tout à fait différent. Tu es dans les entrailles de la terre, un monde à lui tout seul, une cité à part entière, avec ses petits commerces, ses sans-abri, ses patrouilles de CRS, et ses grandes migrations à heure fixe. Et puis il y a les escalators. Ah ! les escalators ! Tu t'élèves, tu t'élèves, et d'un seul coup l'esplanade t'éclate à la figure comme une grosse bulle.

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Non, je ne sais pas. Des HLM sans doute, mais pas uniquement. Défense 8. C'est le nom du quartier. Si, c'est vraiment un quartier. Là, à droite, il y a un square pour les gosses. Plus loin, on va trouver des commerces, des bistrots, des restaurants. On va prendre un escalier mécanique, traverser des terrasses,