Ophélie. 4.
Tout fut finalement plus simple que je ne l'avais imaginé. L'on me chercha sans me trouver. L'on échafauda des hypothèses qui toutes se révélèrent infructueuses. De guerre lasse l'on fit appel à la police. Un, deux, trois,... Deux seulement. D'autres plus tard. L'on interrogea et l'on s'interrogea. L'on enquêta et l'on contre-enquêta. L'on chroniqua et l'on médiatisa. L'on visita. En voisin, en touriste. Et puis l'on se lassa.
Cette fièvre passagère eut des répercussions bénéfiques sur le commerce de Fernande et Lulu, démentant les appréhensions que nourrissait ce dernier. J'en fus heureuse pour eux, je leur devais bien ça pour tout le désagrément que j'avais pu leur causer. Mais là aussi les choses ont fini par se tasser, le café a renoué avec son ambiance de naguère et les habitués... leurs habitudes.
Le retour au calme mit fin à certaines velléités commerciales qui avaient occupé quelque temps l'esprit de Lulu et Fernande. Il s'agissait pour eux, forts de leurs racines bretonnes, de transformer en crêperie « Le Cévenol », qui serait alors devenu « La Quimperloise » et aurait concurrencé la pizzeria d'en face. Ce projet ne plaisait guère à ceux que Mahous appellent « les résidents » et dont je suis maintenant un membre à part entière... ou presque. Ce fut donc avec soulagement que nous apprîmes hier son abandon.
Quelques mots sur moi pour finir. Vous n'aurez pas été sans remarquer ce nouveau calme qui m'habite, le changement de tonalité de mon discours, sa cohérence et sa simplicité retrouvées. Je commence à me sentir bien ici, et même à éprouver une certaine affection pour tous ces gens. Ce lieu est devenu mon chez-moi, j'en ai pris possession, je suis devenue une autre, heureuse de vivre, à l'aise dans sa nouvelle peau,... si je peux m'exprimer ainsi ! Il m'arrive même parfois d'être espiègle, de piquer un truc à gratter à Fernande, ou d'emmêler sa laine et de rire lorsque mon vieux complice Mahous se fait enguirlander et n'y comprend rien. D'éteindre l'ordinateur d'Armand avant qu'il n'ait sauvegardé son maigre butin. Ou encore de vider un fond de verre, en douce...
Mais je sais que rien n'est définitivement acquis et que mes anciens démons ne sont pas loin. La vie ne peut totalement se passer d'une composante tragique. Renoncules et marguerites...
fin