Mahous. 4.
Au sujet de la disparition inopinée de la jeune femme, ce qui me différencie des autres, je veux dire des humains qui étaient présents lorsque cela s'est produit, c'est que moi j'ai assisté au phénomène, alors qu'eux n'ont pu qu'en constater l'aboutissement, le résultat. Mais il me semble que c'est aussi bien ainsi car, s'ils avaient vu ce que j'ai vu, le seul effet en eût été l'augmentation notable de leur désarroi. Les pauvres n'avaient pas besoin de cela !
Après quelques recherches infructueuses dont certaines ne manquèrent pas de pittoresque, il leur fallut se rendre à l'évidence : la petite était introuvable. Et pour cause ! Fernande eut alors le réflexe que l'on peut attendre d'un être humain en pareilles circonstances, elle appela la police. Celle-ci ne tarda guère à se manifester. Au bout d'un petit quart d'heure elle se présentait au Cévenol, ayant revêtu les apparences de deux de ses sbires que je reconnus pour être ceux qui, de temps à autre, venaient en fin de journée boire une petite mousse au comptoir. Au regard dénué d'aménité que me lança l'un des deux, l'homme, - ils étaient de sexes différents -, je compris que lui aussi se souvenait de moi : il avait il y a quelque temps appris à ses dépens qu'on ne pouvait, sans risquer de sanglantes représailles, se laisser aller à certaines privautés avec « gros patapouf ». Même l'écrivain ne se le permettrait pas.
Je ne m'étendrai pas sur l'enquête, ou plutôt les enquêtes, ni sur les débordements médiatiques que nous eûmes à affronter. Fernande a collectionné les coupures de presse. Scotchées sur la glace au-dessus de la banquette. « Le mystère de la rue de l'Est ! » « La disparue du Cévenol ! » « À Paris comme à Orléans ? » « Insécurité : Les jeunes femmes n'osent plus sortir seules ! » Dieu merci, elle a effacé par mégarde les enregistrements qu'elle avaient faits de divers reportages à la télé.
Le temps passant, on commença à nous oublier. Maintenant la vie est redevenue normale. Ou presque. La belle hante encore les esprits mais je suis le seul à savoir qu'elle hante aussi le lieu. Je me suis habitué à la savoir restée parmi nous. Des choses bizarres se produisent parfois, qui restent inexpliquées. Sauf pour moi. Ainsi, l'autre jour, ce fond de muscadet oublié par Riri, Mahous sait qui l'a vidé...
fin