Il serait vain de rechercher ailleurs qu'en soi-même des raisons à l'emprise que peut éventuellement y exercer Facebook. Si le piège a fonctionné, n'oublions pas que notre propre main l'a armé.
Le sentiment d'insatisfaction croît avec le temps tandis que la liste des 'amis' s'allonge. Le rite se fait pluriquotidien, les stations s'éternisent, Facebook devient la toile de fond de nos activités et, dans le même temps, les premiers liens tissés se diluent et les nouveaux contacts apparaissent comme les éléments désincarnés d'un diagramme sagittal. Pourtant prévenu mais n'ayant voulu le croire, on se surprend à n'être plus que le gestionnaire du virtuel.
Un créateur, même si sa pratique est empreinte d'un certain dilettantisme, se doit à sa création, à ce qu'il osera peut-être appeler son œuvre. Si la fonction de cette pratique est de pallier un défaut de communication avec les autres, l'artiste (appelons-le ainsi) est confronté à une difficulté qu'il ne parvient pas à surmonter, celle de la mise en œuvre de la deuxième composante du dyptique que forment le 'faire' et le 'donner à voir', alors que la carence dont il souffre dans le domaine relationnel fait de ce second volet l'essence même de son projet.
L'un des attraits des 'paradis virtuels' réside dans l'illusion trompeuse donnée à celui qui y recourt d'un faible degré d'exigence et d'implication. Mais, dans les faits, la capacité à 'faire' de cet usager se trouvera détruite et le 'donner à voir' vidé de sa signification par l'importance qu'il accordera à l'exhibition de son nombril et la démesure du temps qu'il y consacrera.
« Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »